Une simple histoire d'amour, trop simple peut-être qui dérive en rupture, divorce, c'est une histoire classique, voire du déjà vu. Mais Zhang Yuan, comme à son habitude sait dépasser ses standards pour la traiter tout en finesse, avec tact et sensibilié et se repose sur ses deux personnages pour laisser parler son cinéma. Xiao Ju est une infirmière sérieuse, Yi, un peu moins occupé. Ils s'aiment intensément (ou du moins ils se le disent, surtout elle…) et vont se marier rapidement. Peu importe que Xiao Ju ait failli se marier précédemment à un ami de Yi prématurément enlevé à son affection.
Les portes du bonheur sont-elles trop étroites pour les laisser passer ensemble ? Le caractère enjoué de Xiao Ju tourne vite à la provocation maniaque et à l'obsession jalouse. Le calme Yi se recroqueville sur lui-même, ce qui excite la verve de Xiao Ju et alimente d'autant la mécanique implacable de la haine. Quel rêve d'absolu ou de domination hante l'esprit de Xiao Ju ? Quelle issue Yi pourra-t-il ou voudra-t-il donner aux vœux de son épouse ?
Inspiré du roman de l'écrivain pékinois Wang Shuo, I love you explore la relation claustrophobique de ce couple enfermé dans un mariage précipité. En d'autres termes, il revisite, en mandarin, l'adage traditionnel, " l'enfer c'est l'autre ". Filmé près des personnages, en plans rapprochés, l'histoire de Xiao Ju et Yi va sonder la douleur. Celle qui s'immisce, on ne sait trop comment, entre deux amants devenus trop vite époux. Mais pourquoi Ju s'enferre-t-elle à ce point dans une relation qu'elle s'efforce méthodiquement de détruire ? Pourquoi Yi cherche-t-il à alimenter sa haine et sa vindicte ? Ces questions restent sans réponse jusqu'à la fin du film (ou presque). Les épilogues qui suivent, un peu trop nombreux, nuisent à la clarté du propos même s'ils tentent de donner une nouvelle chance au couple.
On sent dans la mise en scène de Zhang Yuan, dans sa manière de mettre son film en lumière l'influence initiale de l'Académie du film de Pékin. Pourtant le film coule doucement comme le sang dans les veines d'un allité, parsemé des embûches de la vie maritale. Zhang Yuan fidèle à sa réputation de fer de lance de la sixième génération des cinéastes chinois parvient moins bien à nous émouvoir que dans ces précédents films. Il n'en demeure pas moins que I love you par son rythme saccadé, l'irrésistible charme de ses acteurs reste un moment fort de ce 5e festival de Deauville, comme une déclaration d'amour au public, qui contrairement à Yi et Ju ne s'est pas laissé abuser par des avances un peu véloces. |